HÉRAULT - Comment les bébés apprennent-ils à parler ?
Comment les bébés apprennent-ils à parler ?
Michelle St Clair, University of Bath et Vanessa Lloyd-Esenkaya, University of Bath
Quel que soit le domaine, de leurs premiers pas jusqu’à ce jour où ils comprennent que leur point de vue peut ne pas être le même que celui de leurs camarades, les enfants se développent à des rythmes différents. Le langage n’est pas une exception à la règle : on ne peut pas indiquer précisément un âge à partir duquel tout bébé devrait commencer à parler.
Bien sûr, le développement de la communication passe par certaines étapes, que les enfants franchissent à peu près au même âge. Il peut d’ailleurs être décourageant pour des parents d’entendre les enfants de leurs amis commencer à s’exprimer avant les leurs. Dans la plupart des cas, il s’agit simplement d’une variation personnelle tout à fait naturelle dans la progression des apprentissages. Dans d’autres, il peut s’agir d’un retard de langage temporaire qui se rattrapera sans aucune intervention.
Pour d’autres enfants, cependant, il peut s’agir du premier signe d’un trouble à long terme. Alors quels repères faut-il avoir en tête avant de s’inquiéter pour les progrès de son enfant ?
Il n’y a pas que la parole
En général, les enfants babillent à partir de l’âge de six mois environ, et prononcent leurs premiers mots entre dix et quinze mois (la plupart commençant à parler vers 12 mois). Ensuite, ils comprennent un nombre de plus en plus important de mots qu’ils vont réutiliser dans des phrases simples, à partir de 18 mois environ.
Il est important de noter que le langage ne se limite pas aux sons que nous produisons avec notre voix. L’idée selon laquelle le langage se réduirait à la parole est une énorme erreur, que nous avons souvent tendance à faire. Or comprendre ce que dit notre entourage est une tâche très complexe. Cela suppose de connaître les mots utilisés, de savoir à quel concept ils renvoient selon le contexte et de comprendre le sens de la phrase en fonction de l’ordre des mots. C’est ce qu’on appelle les compétences linguistiques de réception.
Les parents doivent savoir que, dès les premiers stades de développement du langage, les enfants sont capables de comprendre bien plus de choses qu’ils ne peuvent en exprimer. En effet, c’est en comprenant ceux qui les entourent – leurs parents, frères et sœurs et autres personnes s’occupant d’eux – que les enfants construisent leurs propres compétences.
Certains troubles du développement, comme le bégaiement, sont manifestes. En revanche, les problèmes que rencontrent d’autres enfants peuvent être difficiles à repérer. Parfois, l’enfant semble comprendre des instructions apparemment complexes, mais il s’appuie en fait sur le contexte général. Par exemple, si vous dites à votre enfant « va mettre ton manteau et tes bottes », il va le faire parce qu’il connaît les mots « bottes » et « manteau » et voit qu’on se prépare à quitter la maison.
D’autres instructions, dont le contexte est moins clair, comme « va chercher le livre bleu et noir qui se trouve sous la couverture sur la chaise » demandent une meilleure maîtrise du langage et peuvent être plus ardues à comprendre pour les enfants ayant des difficultés de langage.
Quand demander de l’aide
Pour les enfants eux-mêmes, il peut être vraiment frustrant de ne pas parvenir à exprimer des pensées ou de ne pas comprendre tout à fait ce qui se passe autour d’eux. Un enfant qui fait des crises de colère, mais a du mal à expliquer pourquoi il se met dans cet état, peut avoir des difficultés qui n’apparaissent pas au premier abord mais qui sont bien réelles. Ce genre d’attitude peut être le signe d’un retard de langage. Le fait qu’un enfant ait du mal à suivre des consignes simples peut vous alerter.
70 % à 80 % des enfants présentant un retard de langage le rattrapent à l’âge de 4 ans. Pour d’autres, ce retard met en évidence un trouble de développement du langage (TDL), c’est-à-dire une déficience à long terme qui touche environ 7,6 % des enfants, soit 1 enfant sur 15, et dont les manifestations se prolongent à l’âge adulte. Cependant, avant l’école primaire, même les experts ont du mal à départager le simple retard du trouble du langage.
Les enfants concernés peuvent avoir besoin d’un soutien pour pouvoir s’épanouir. Mieux vaut demander l’avis d’un professionnel que d’attendre, en particulier entre 18 mois et 30 mois, si votre enfant semble avoir des problèmes de compréhension, utilise peu de gestes pour communiquer et est lent pour apprendre de nouveaux mots. La première étape est de contacter un orthophoniste.
Renforcer ses compétences linguistiques
Le langage est flexible. A quelque étape que se situe l’enfant, on peut toujours l’aider à le développer.
Par exemple, lorsque vous jouez avec un tout-petit, regardez vers quoi se dirige son regard et nommez ce qu’il voit. S’il dit « cheval qui court », vous pouvez poursuivre en disant « Oui, le cheval court ! Où court-il ? » Cela aide les enfants à apprendre de nouveaux mots et concepts, et donc à mieux structurer leurs phrases.
Lire ensemble des histoires est excellent car vous pouvez trouver dans les livres des mots désignant des êtres et des choses que vous ne rencontrez pas souvent dans votre quotidien, comme les animaux du zoo. C’est également précieux pour favoriser l’attention et l’écoute. Pour faire parler votre enfant, veillez à poser beaucoup de questions à base de « pourquoi » et de « comment » plutôt que des questions auxquelles il peut répondre par « oui » ou par « non ». Regarder des vidéos ou des émissions de télévision peut aussi être un enrichissement, à condition toutefois de les regarder avec lui.
Cela peut paraître un conseil évident, mais il n’est jamais inutile de redire combien avoir des discussions à bâtons rompus avec un enfant peut l’aider. Non seulement c’est incroyablement gratifiant sur le plan social, mais cela peut aussi contribuer à renforcer et à développer ses compétences de communication. Essayez d’intégrer cette activité à votre quotidien, par exemple en conversant quand vous allez faire des courses au supermarché.
Michelle St Clair, Lecturer in Psychology, University of Bath et Vanessa Lloyd-Esenkaya, PhD Candidate in Psychology, University of Bath
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
(02-05-22)
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